C’est la crise, ma bonne dame !

Vous dites comment, vous ? Que votre enfant fait des « crises » ? Des « colères » ? Qu’il est « possédé » ?
C’est pénible, hein ? Ce moment où il semble perdre le contrôle de lui-même (parce qu’il perd le contrôle de lui-même) et où vous ne savez peut-être plus comment jongler entre le calmer (vu que c’est pas vraiment possible) et gérer tout ce qui se passe autour (parce que c’est ingérable)…

Une amie m’a reparlé des « colères » de son petit garçon. Elle était contente car avec l’aide du livre « Grosse Colère », son fils arrivait maintenant à enrayer les crises. Quand on lui dit que sa colère monte, il court dans sa chambre chercher sa boîte à colère, fait sortir le monstre par sa bouche et l’enferme dans la boîte. Efficace ! Une simple boîte à chaussures capable de contenir une colère d’enfant, c’est royal… mais… Oui, parce qu’il y a un mais.

Mais ça nous a quand même fait réfléchir. Beaucoup. Toujours cette crainte d’analyser le comportement de l’enfant à travers notre jugement et pas sa nature propre.

-OK, sur le moment, la crise est gérée, pas de débordements, mais est-ce que c’est le plus important ?

-Est-ce que ce mot « crise » ne fait pas un peu trop peur ? Comme dans une vraie maladie grave ?

-Et puis colère ? Est-ce que c’est vraiment de la colère ?

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Une fois admises l’idée que ça ressemblait à une colère vu de l’extérieur, mais qu’on ne savait pas ce qu’il y avait à l’intérieur, et reconnu que « crise », ça fait un peu malade ou démoniaque, on a passé un petit moment à se parler d’eux et de nous-mêmes, à se raconter des « craquages » d’enfants, des « pétages de plombs », et puis les nôtres.

On a repensé à « la crise du supermarché » vue par l’œil des neurosciences qui n’a plus rien à voir avec une colère ou de la manipulation pour obtenir un jouet ou des bonbons, et s’avère être un pétage de plombs en bonne et due forme à cause de la multitude de stimuli présents, et pouvant être calmé grâce à de la concentration (un câlin, une comptine, un objet familier…) ou en fuyant le bordel du supermarché, juste. Isabelle Filliozat explique tout ça très bien dans J’ai tout essayé.

Avant, je pleurais très souvent. De joie, de chagrin, de fatigue, d’énervement… N’importe quelle émotion pouvait finir par faire couler mes larmes quand j’arrivais à saturation. Avec l’âge, ces « crises de larmes » se sont transformées en moment de mutisme. Quand je déborde, j’ai besoin de m’isoler un instant, dans un coin ou en moi, de me vider la tête, immobile, pendant une dizaine de minutes. Dans les cas extrêmes, je m’endors. Pour moi, c’est simplement de la fatigue. J’ai remarqué que ma fille fait pareil. Quelle que soit l’activité, il arrive qu’elle stoppe net, prenne son nounours et se cale dans un coin pour un « mini-temps calme », d’elle-même.

Les colères de ce petit garçon pourraient bien ne pas en être. Et si c’étaient en fait des éruptions d’émotions qui bouillonnent à l’intérieur de lui, est-ce que le fait de les enfermer dans une boîte est la meilleure solution ? De les appeler « colère » et de les assimiler à quelque chose de dérangeant qu’il faut cacher ? Ne serait-ce pas le moment idéal pour apprendre, comprendre, exprimer ? Et puis même la colère a le droit de s’exprimer, si c’est avec respect !

Un jour, j’ai compris que les gens en face de moi ne pouvaient pas toujours comprendre mes larmes. Qu’elles pouvaient les déranger ou les empêcher de se concentrer sur la conversation, par exemple. C’est peut-être ce jour-là que j’ai commencé à moins pleurer et à plus expliquer « Pardon, mais ça me fait beaucoup d’émotions d’un coup/ça me fait trop de peine/ça m’énerve beaucoup/…, j’ai besoin de prendre un peu de recul. »

Je sais bien que nos enfants ne peuvent pas hurler et gesticuler quand bon leur semble et puis ils ont l’air mal pendant ces « craquages », et il leur arrive de casser des jouets qu’ils aiment, de faire mal à un petit camarade…

Mon amie a dit qu’elle y réfléchirait encore et qu’elle essayerait d’aborder ces « craquages » autrement, de proposer des exutoires comme taper sur un coussin, et surtout, qu’elle essayerait d’accompagner les émotions de son fils sans les résumer directement à de la colère et en l’aidant à les exprimer. Quand c’était arrivé chez nous, il était plutôt très content et très excité, pas fâché du tout, avant de basculer du côté obscur. Un peu comme… un enfant, quoi !

Je lis sur les forums et j’entends que ces « crises » sont pénibles pour les parents et l’entourage, qu’elles angoissent et perturbent. Celles que j’ai vécues ont été de courtes durées car ma fille se laisse contenir dans mes bras dans ces cas-là. Ce n’est pas le cas pour tous les enfants, mais ça ne veut pas dire qu’il faut les laisser se débrouiller pour autant. On peut rester près d’eux, leur parler, tendre une main qu’ils prendront quand ils seront prêts. Elle s’apaise ensuite rapidement puis en parle parfois, quelques temps après.

Bien sûr qu’on ne va pas laisser nos enfants déranger tout le monde et tout casser, mais je pense qu’en essayant de mieux comprendre ces pétages de plombs, on peut les anticiper pour en éviter un maximum, et accompagner les autres pour bientôt partager la vie de grands enfants capables d’exprimer leurs émotions dans le respect d’eux-mêmes et de leur entourage.

J’espère que mon amie nous racontera la suite et si vous avez des idées à partager, on prend !

11 réflexions sur “C’est la crise, ma bonne dame !

  1. Justement, on a vécu le premier « débordement » de colère de notre fille (1 an) hier.
    On n’a pas trop compris ce qui se passait, pourquoi cela se passait, ou comment réagir. Elle revenait du premier WE (2 nuits) chez papy mamy, ça faisait déjà deux heures qu’on essayait de l’endormir (câlins, histoires, arrêt des essais, descente dans le salon, puis rebelote) puis à 22h on lui a dit « maintenant on dort! » car de plus en plus fatigués, nous n’avions plus l’énergie nécessaire pour lui (re)lire un livre etc. Alors on a pensé qu’elle ne voulait pas s’endormir afin de profiter de notre présence, pcq elle avait peur de nous quitter pour la nuit, etc. Puis elle a commencé à crier (à mon avis à s’en faire mal à la gorge), gesticuler, souffler, très violemment. Ca a bien duré 15 looooooongues minutes, passées à la rassurer (on t’aime, ne sois pas fâchée, on devait s’absenter mais aujourd’hui on est là, etc); La prendre dans les bras n’aidait absolument pas. Seule une promenade dans le jardin à regarder les étoiles l’a faite sortir de sa bulle (car en effet, on aurait dit que elle était « possédée », les yeux mi-clos, sans aucune communication possible). Et elle a fini par s’endormir dans mes bras. Durant la journée qui a précédé j’ai également assisté aux premières « crises » (elle s’allonge sur le sol et gesticule) sans trop comprendre leur raison (elle a probablement perdu ses repères chez ses grands-parents?). Ma seule réaction était de lui demander pourquoi elle était fâchée et de lui expliquer pourquoi (elle devait mettre sa veste, ses chaussures,…).
    Bref, même si je suis persuadée qua la cause était la fatigue et le trop-plein d’émotions (joie de nous voir, peut être fâchée qu’on l’ait laissée tout un we?), je suis un peu perdue et serais ravie de savoir comment vous gérez ces situations.
    Merci.

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    • Merci pour ce partage, Christiane.
      Je n’ai malheureusement pas de solution miracle et ne fais que me poser des questions et chercher des réponses comme vous semblez si bien le faire. Ce que j’ai pu observer, c’est que ces craquages sont moins pénibles et moins longs quand on les accepte et qu’on les accompagne, comme vous l’avez fait, quand on ne culpabilise pas l’enfant. Chez nous, ils étaient beaucoup plus nombreux à 1 an qu’aujourd’hui, à 3, et j’ose croire que c’est parce qu’on a tout fait pour aider notre enfant à les comprendre et à les gérer elle-même. Mais c’est vrai que ça demande d’être tolérant (comme vous semblez l’être) avec les humeurs de nos enfants, et de bien savoir que ce n’est pas pour « nous faire payer » quoi que ce soit, comme beaucoup de gens disent dans le cas d’une « colère » après une absence. Il y a un trop plein, ça déborde, ça doit s’exprimer, puis vient le moment de trouver l’apaisement. J’ai oublié de mentionner dans l’article des moments où ma fille plus jeune râlait pour une raison ou une autre qu’on arrivait souvent à identifier, mais pas toujours. Si j’ignorais ses grognements, cela pouvait se finir en cris et pleurs, mais le simple fait de lui dire « hou là là, mais tu en as marre ! Mais tu râles ! Oh ben oui, c’est fatiguant autant de voiture en une journée ! Et puis tu as peut-être envie de faire une pause pour te dégourdir les jambes. » suffisait à retarder l’éruption volcanique. Souvent, on finissait en poussant des cris et des rugissements « Râââââle ! » ou en répétant le mot « râle » 50 fois sur tous les tons. Aujourd’hui, parfois, je la sens qui me prend la main et j’entends une petite voix me dire « râle râle râlouillette ! »

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  2. Je sais que comparaison n’est pas raison et qu’un enfant n’est pas un adulte miniature mais quand même j’aime bien essayer de me mettre à l’heure place ou décrire avec des exemples d’adultes ce que ça fait pour mieux me faire comprendre!

    Quand mon bébé se met à pleurer, hurler et se tortiller dans tous les sens parce qu’il veut son bibi tout de suite (« oh le capricieux », « il te fait vraiment un cinéma pour un bibi », « oh et ça va, dis lui de se calmer et que tu n’es pas son esclave » et j’en passe…) J’explique qu’il n’en peut plus de cette journée trop longue où il y avait trop de monde, trop de trajets en voiture et ses siestes qui ont été décalées… A hauteur d’adulte! Eh toi Tonton Truc, si t’avais commencé ta journée par un rapport urgent parce que ton chef te le demande (alors qu’on est dimanche et que tu avais prévu de te reposer) qu’à cause des trajets en voiture tu n’as pas pu fumer tes cigarettes réglementaires et dû décaler tes pauses pipi, que le soir tu rentres exténué et qu’il y a tous tes voisins à la maison, quand on te dit que tu peux bien attendre encore 1/2 heure que le repas soit prêt, euh tu te sens comment ? Et là texto, il m’a réponde « enragé » alors comment tu crois qu’il pourrait gérer mon bébé de 17 mois ? « Ah ben euh… C’est vrai c’est pas facile… »

    Moi je crois surtout que ces « crises » ce « trop plein », elles peuvent paraître impressionnantes de l’extérieur si on n’est pas dans le même état émotionnel (heureusement qu’on ne l’est pas toujours sinon ce n’est pas évident de gérer deux débordements à la fois!) mais ça ne fait pas de ses enfants/adultes des possédés à ce que je sache! Ma solution tout un temps fût de m’éloigner avec mon bébé pour nous mettre à l’abri des regards accusateurs et du jugement, dans un endroit au calme où il pourrait sortir tout ça entouré d’amour et non rejeté dans un coin parce qu’il crie trop fort… D’ailleurs les « crises » sont des exceptions et se calment plus vite maintenant que lorsqu’il avait 1 an! Et souvent quand il est dans cet état là je me rappelle à quel point on n’a pas écouté ses besoins ou qu’on les a décalé! Alors on essaye de mettre des choses en place pour que tout le monde y trouve son compte et que cela se passe plus sereinement. Lorsqu’il revient de chez sa nounou (il y va 2 jours/semaine) et qu’elle me dit qu’il a été « sage », je sais qu’il y aura un moment où il va « décompresser » dans mes bras et où je lui murmure oh combien c’est parfois (souvent?) difficile de se conformer à ce que l’autre attend, que ce n’est pas évident de partager avec les petits copains tout le temps (les nounours, les jouets, les bras de nounou, les temps de sieste et de repas) que je comprends à travers ses larmes tout ce que ça lui a coûté d’être « sage » et qu’à la maison, il pourra être ce qu’il souhaite, maman l’aimera toujours et sans condition!

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      • Je m’excuse pour les grosses fautes (leur et pas *l’heure par exple) je ne me suis pas relue! Oh oui leurs mots font très mal… J’essaye de voir l’intention derrière les phrases parfois assassines, je tente d’entendre derrières les mots durs, l’envie de m’aider, même si c’est sous forme de conseils mal placés, je dirai que souvent (mais pas toujours) les personnes veulent bien faire et aider leur prochain cependant c’est parfois (souvent?) très maladroit… Et les mots ont un impact qu’on ait eu l’intention de blesser ou non mais les gens l’oublient souvent! C’est le fameux « je ne l’ai pas fait exprès » oui mais ça fait mal quand même! Par contre ce que je ne supporte pas c’est le sexisme, le racisme et l’âgisme ambiant et non je ne me ferai jamais à un « non mais si tu y vas à chaque fois qu’il pleure tu vas en faire un homo »! Ou comment être sexiste et homophobe dans la même phrase… Là je ne peux pas me taire! Alors on me rétorque que c’est de l’humour… J’aime bien tient quand les gens estiment que c’est *humoristique pour les autres mais une infâme critique quand ça les concerne…

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  3. Merci pour vos témoignages, je me sens moins seule (Hier l’idée d’appeler un médecin de garde m’a traversé l’esprit…). Je me rends compte à présent que c’est le début d’une looongue série^^ D’ailleurs aujourd’hui ça a recommencé depuis le moment où je lui ai enlevé ses chaussures (elle les aime bien et voulait encore jouer) jusqu’au coucher 😦 Pendant tout ce temps on la rassurait à coups de « je t’aime, il faut se laver, si tu ne sais pas ce que tu veux c’est pcq tu es fatiguée, laisse-toi aller, etc. C’était horrible mais je ne vois pas trop ce qu’on aurait pu faire d’autre. J’ai pensé au « mur de colère » lu ce matin ds un autre billet et j’absorbé autant de colère que j’ai pu ;). Malgré tout je culpabilisais mais en venant vous relire je vois qu’on a (relativement) bien géré ça.
    Je comprends ce que veut dire Diyid, moi aussi je rationalise son comportement car après tout c’est son seul moyen de s’exprimer puisque elle ne parle pas encore (et même nous, qui parlons bien, ne sommes souvent pas capables d’exprimer nos sentiments, et ça finit bien souvent par des larmes ou des cris). Ca nous permet de rester calme et compréhensifs. Pour le moment les « crises » ne se sont passées qu’à la maison, mais je tenterai de ne pas tomber dans le même piège que vous si elles devaient arriver à l’extérieur 😉

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  4. Coucou!! Me revoilà!
    Ca fait un moment que je pensais vous redonner de nos nouvelles 🙂
    Aujourd’hui notre choupinette a presque 2 ans (plus que deux semaines 😀 ) et je peux dire que finalement il n’y a pas eu bcp d’autres « crises ». On a appris à les anticiper et à les éviter, en ne tardant pas trop pour les dodos, en faisant des pauses calins en plein milieu de la préparation du repas (ou en laissant carrément tout tomber et finir par manger des tartines…), en ayant un truc à manger avant que la faim ne se fasse trop sentir etc… Et quand malgré tout notre fille a besoin d’évacuer le trop plein d’émotions, on la prend dans les bras et on lui dit qu’on l’aime, et que si elle pleure c’est pcq elle est fatiguée (ou autre). Et en général ça passe 🙂
    On a appris à décoder les messages et c’est vraiment chouette 🙂

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