Toute première fois

C’est bien joli de préparer les enfants à l’école, mais les parents, qui les prépare ? Hein ? Bon, côté logistique, on a tout bien fait :

  • thermocoller des jolies étiquettes de pirate (pour que ce soit une fête) sur toutes les affaires
  • préparer les vêtements la veille
  • mettre une veilleuse qui change de couleur le matin pour dissiper la peur de louper l’heure du réveil
  • tester l’itinéraire et vérifier la fréquence du bus

Côté psychologique ?

  • répondre aux questions plus ou moins rationnelles
  • rappeler régulièrement le déroulement de la journée et les nécessités
  • être disponibles et faire beaucoup de câlins pour remplir les réservoirs de chacun
  • être détendus, apaisants et rassurants

Mouef… On va dire 3 sur 4 pour le côté psychologique, parce qu’au fond, j’étais en colère, ce weekend. Une bonne grosse colère bien sourde que j’ai rebalancée sur tout ce que j’ai trouvé pour ne pas m’avouer le fond du truc : la tristesse et la peur de confier mon enfant à des étrangers pour la première fois. Je n’ai jamais eu de mal à la laisser. À son autre parent, à ses grands-parents, à une baby-sitter que je connais bien et qu’elle adore. Bon, ok, les six premiers mois, j’avais vraiment besoin que ce soit hyper fluide pour y arriver, mais j’ai toujours su qu’elle avait une vie propre, en dehors de ma présence. Des rapports personnels et des affinités avec d’autres personnes, des expériences dont je ne faisais pas partie… Ça fera peut-être grincer les dents de certains, mais pour moi, un attachement fort n’exclue pas de partir quelques jours en amoureux. C’est la façon qui change tout. Au début, je confiais notre lien à quelqu’un d’autre, un de ses grands-parents, par exemple, en sachant qu’elle aurait autant d’attention, de soin et de douceur que dans mes propres bras. (Ben oui, je ne crois pas que les parents aient l’exclusivité de l’amour. Et je ne parle pas de son autre parent car le lien est aussi fort entre eux qu’entre nous.) Bisou The Rainforest SitePlus tard, quand j’ai eu le sentiment que notre attachement était plus complexe, j’ai préparé les séparations plus concrètement :

  • une photo d’elle dans ma poche, une de moi dans la sienne
  • un planning précis et répété, avec des points de repère faciles
  • une solution d’urgence (« Si je te manque trop trop trop, tu le dis à grand-mère et vous me téléphonez. Et moi, je fais pareil. Si on s’amure bien et que ça va, on s’appelle seulement à l’heure du goûter. »)
  • un lien numérique (certains téléphones ont un clavier spécial émoticônes pour envoyer des ❤ , des 🙂 et autres 😛 . Pas besoin de savoir lire ou écrire pour s’envoyer des petits coucous.)
  • un doudou spécial 2 en 1, comme mon foulard préféré autour de son cou parce que j’ai confiance en elle pour en prendre soin et qu’elle aura mon odeur avec elle, comme ça (Et oui, il m’arrivait de lui piquer le sien. Et alors ?! Qui a dit qu’on ne pouvait pas aller à un rendez-vous de travail avec un foulard à petits cœurs ? Le nouveau a des têtes de mort, façon pirate, c’est plus rock’n’roll.)

Bref, on gérait pas mal et on n’a jamais coupé le lien sans pour autant être toujours colle-colle. Je ne sais plus si je vous avais raconté, mais on avait décidé de prendre soin nous-même de notre enfant aussi longtemps que possible, en travaillant à tour de rôle et (heureusement) avec l’aide de notre entourage quand nous devions travailler en même temps. Notre choix a été très discuté, on nous a beaucoup mis en garde contre l’absence de socialisation et plein de choses très graves, mais on a vécu trois années formidables que je ne regretterai jamais, malgré la fatigue parfois.

Aujourd’hui, c’est la toute première fois que je confie mon enfant à des inconnus.

C’est formidable, mais c’est aussi un tournant.
Elle a souhaité aller à l’école. Elle ne voulait pas attendre la rentrée de septembre. Son envie de nouvelle vie, de nouveaux amis et même d’apprendre à « lire des histoires toute seule avec les lettres » était impérieux. Il ne nous en fallait pas tant.

Nous avons choisi une école Montessori. Cela demande certains sacrifices, oui, mais on aura aussi plus de temps pour travailler, pas vrai ? C’était important pour nous de continuer à lui permettre de grandir dans le respect de sa personne et de sa singularité… Pas juste parce qu’elle est exceptionnelle. Parce qu’ils le sont tous !! C’est sûr, j’aurais préféré avoir la certitude qu’elle et tous les enfants pourraient recevoir ce type d’enseignement à l’école publique. Il a fallu faire un chemin pour en arriver là, mais en attendant que les pédagogies participatives et respectueuses deviennent la norme, que cette utopie devienne réalité, que cette originalité de certains instituteurs et certaines institutrices devienne la méthode de la majorité, c’est le choix que nous avons fait. Nous savions qu’elle aurait pu bien tomber, mais nous voulions en être sûrs.

Je crois et j’espère qu’elle aura accumulé assez de confiance en moi et en elle pendant ces trois ans pour voler de ses propres ailes en sachant qu’elle me retrouvera toujours quand elle me cherchera. Je sais que notre cordon peut être coupé quelques heures par jour car on l’a à l’intérieur. Et puis elle va se faire plein de copains et ça, c’est la classe ! Une nouvelle vie commence, quoi. Notre rythme va changer, notre enfant va changer…

Et on est prêts. Et puis j’ai toujours adoré les premières fois. Les premiers baisers, la première fois qu’on goûte un nouveau parfum de glace, qu’on arrive à sauter par-dessus la flaque, qu’on fait du ski, qu’on voit New York ou la mer…

C’est bientôt l’heure d’aller la chercher. Ouf ! Ça va ? On voit pas trop que j’ai pleuré ? J’ai toujours du mal à lui expliquer qu’on peut être heureux, confiant, et triste ou chamboulé en même temps… Mais c’est si vrai.

Une réflexion sur “Toute première fois

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